Fédération européenne des journalistes

Turquie : les journalistes et le syndicalisme sous l’état d’urgence


Le meeting régional des affiliés des Fédérations européenne et internationale des journalistes (FIJ-FEJ) des Balkans et d’Europe de l’Est s’est tenu à Istanbul le 28-30 novembre. Le syndicat des journalistes de Turquie (Turkiye gazeteciler sendikasi – TGS) était l’hôte et le bureau à Istanbul de la Friedrich Ebert Stiftung (FES) a soutenu financièrement l’événement avec le programme suédois Union to Union, le bon déroulement de l’événement.

Le rassemblement de plus de 10 journalistes internationaux et une quinzaine de journalistes locaux manifestant une solidarité envers les plus de 120 journalistes turcs emprisonnés sous l’état d’urgence a été chaleureusement accueilli par les collègues et les médias locaux.

L’accent a été mis sur les obstacles à surmonter en matière de liberté d’association pour recruter de nouveaux membres et les protéger. Une visite de solidarité a également été organisée au siège du quotidien Cumhuriyet où la délégation a eu l’opportunité de rencontrer les femmes des journalistes arrêtés.

A l’issue de deux jours de conférence, les participants ont adopté les conclusions suivantes :

Le syndicalisme sous l’état d’urgence

29- 30 novembre 2016

Istanbul, Turquie

Conclusions

Des journalistes des Balkans et d’Europe de l’Est se sont réunis à Istanbul pour discuter de la situation du journalisme dans la région et en Turquie, en particulier.

Le pays a souffert d’une terrible attaque de ses institutions démocratiques la nuit du 15 juillet 2016, quand une partie de l’armée a tenté de prendre le pouvoir par la force. Plus de 200 personnes ont été tuées, le parlement a été bombardé, des médias ont été perquisitionnés et des journalistes forcés de lire des déclarations sous la menace.

Nous journalistes, condamnons cela sans réserve.

Depuis le 15 juillet toutefois, le pays a été témoin d’un contrecoup sans précédent contre les médias indépendants. Le gouvernement a cherché à faire taire l’opposition en qualifiant les journalistes dissidents d’avoir fomenté le coup d’état ou de soutenir le terrorisme. Dans les mois qui ont suivi :

  • 176 médias ont été fermés
  • Plus de 3.000 journalistes ont été licenciés sans compensation
  • Plus de 120 journalistes sont actuellement en prison, dont 100 depuis la tentative de coup d’état. 183 ont également été détenus, puis libérés
  • Des centaines font l’objet de poursuites judiciaires et vivent dans la peur d’être arrêtés
  • Plus de 800 cartes de presse ont été annulées, 32 cartes de presse parlementaires ont été annulées
  • Nombreux sont ceux qui ont dû fuir le pays et au moins 50 ont vu leur passeport confisqué, dont des proches de journalistes poursuivis
  • Certains journalistes arrêtés n’ont pas d’assistance juridique car certains avocats sont eux-mêmes poursuivis
  • Les correspondants étrangers sont également régulièrement harcelés, détenus arbitrairement, interdits d’entrée sur le territoire ou expulsés du pays. Ceux qui essayent de couvrir les événements depuis la frontière syrienne ou le sud-est du pays sont en particulier ciblés
  • Les citoyens sont privés d’informations indépendantes et leur droit à l’information est bafoué, en interdisant systématiquement les journalistes de couvrir certains événements par exemple
  • Voici l’étendue et la portée de la purge dans les médias. Ces chiffres changent presque tous les jours et sont régulièrement actualisés.

Nous remercions toute l’équipe du journal Cumhuriyet ainsi que les femmes des journalistes arrêtés pour avoir accueilli les participants dans leurs bureaux à la suite de la descente en octobre qui a vu l’emprisonnement de 10 salariés incluant des journalistes, des professionnels des médias et des avocats.

Les syndicats de journalistes de la région expriment leur solidarité envers leurs collègues en Turquie, saluant leur courage, leur résilience et leur capacité à défendre leurs principes avec ferveur. Leur combat est notre combat.

Nous, représentants des affiliés de la FIJ-FEJ dans la région nous engageons à faire campagne en votre nom en :

  • Insistant sur le fait que l’état d’urgence ne devrait pas être utilisé pour tuer le journalisme indépendant
  • Demandant la libération immédiate de tous les journalistes et en soutenant les pétitions pour libérer les journalistes en Turquie (pétition)
  • Soutenant le TGS pour organiser, structurer et aider les journalistes dans le pays
  • Organisant des campagnes de solidarité ou des visites au nom de nos membres
  • Informant nos membres et le public de la crise des médias en Turquie
  • Soumettant les cas à nos gouvernements et aux organisations intergouvernementales, dont l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la co-opération en Europe.

Enfin, nous remercions les membres du Turkiye gazeteciler sendikasi (TGS) pour avoir accueilli l’événement, ainsi que tous ceux qui continuent à organiser et soutenir leurs membres, souvent à leur propre risque sous cet état d’urgence.