Fédération européenne des journalistes

France: un tiers des journalistes veulent quitter leur job


L’étude « Changements et évolution des métiers du journalisme » menée, en France, par le syndicat national des journalistes (SNJ) et le cabinet d’évaluation et de prévention des risques professionnels Technologia a analysé l’évolution du journalisme en France depuis 2010. Elle rélève notamment que 34% des journalistes interrogés sont disposés à quitter leur métier ou leur entreprise.

L’enquête prolonge une première recherche, «Travail réel des journalistes, qualité de l’information et démocratie», réalisée en 2011 par le partenariat. Cette dernière observait une triple évolution affectant le métier:

  • le changement de la consommation de l’information,
  • la mise en question des modèles économiques des médias,
  • et l’affaiblissement des frontières entre professionnels et citoyens au sein d’une société où les nouvelles technologies de la communication permettent à quiconque de produire et de propager de l’information.

«Aujourd’hui, dans le prolongement des constats d’alors, nous nous sommes penchés sur l’état de santé des journalistes et du journalisme. Bousculé par cette triple transformation, comment fonctionne ce métier ? Comment ceux qui l’exercent vivent-ils ces mutations, souvent brutales ?» L’étude examine 1.135 réponses au questionnaire recueillies entre juin et juillet 2015.

Ci-dessous, les principaux résultats.

  • Des tâches mal définies. Les fonctions de rédacteurs (38%), de reporters (21%) subsistent et d’autres apparaissent (11% de rédacteurs web, multimédias, deskeurs, community managers, data journalistes). La majorité des intervenants (77%) jugent leur formation initiale en adéquation avec leur métier. Néanmoins, ce sentiment d’adéquation diminue avec l’âge (près d’un tiers des répondants de plus 50 ans constatent une inadéquation). « Se posent là les questions de la formation complémentaire et de la définition des métiers et des tâches.» Les chercheurs notent également des différences d’interprétation entre la définition qu’ont les journalistes de leur métier, la définition de leurs employeurs et le cadre juridique dans lequel ils l’exercent. Seuls 37 % des répondants estiment que leur contrat de travail définit précisément leur travail, en se référant à la qualification générale de journaliste et à la convention collective en vigueur dans leur secteur.
  • Des débuts difficiles. Bien que la majorité des journalistes (72%) possèdent un contrat à durée indéterminée, ils ne sont que 46 % pour les moins de 30 ans. « Le CDD et le travail à la pige sont devenus des passages obligés et souvent beaucoup plus longs que la période de stage telle qu’elle est définie par la commission de la carte d’identité professionnelle des journalistes (un an pour les diplômés des écoles reconnues par la profession et deux ans pour les autres). Au total, plus de la moitié (54%) des jeunes journalistes est dans une situation précaire forte.»
  • L’envie de quitter le métier ou son entreprise. 34% des journalistes expliquent être tentés de changer de métier ou d’entreprise. Ces taux révèlent, selon les chercheurs, la nécessité pour certains travailleurs de la presse (principalement des pigistes et CDD) de diversifier leurs sources de revenu et, pour l’ensemble des travailleurs, les craintes dans un secteur médiatique où des difficultés menacent l’emploi. Capture d’écran 2015-10-09 à 16.15.27Le travail à temps partiel est, par ailleurs, en progression. Qu’il soit choisi ou imposé, le travail partiel concerne 21% des répondants, plus d’un journaliste sur cinq, un taux plus élevé que la moyenne nationale française (18,7%).
  • Des horaires difficiles. Plus de 60% des répondants travaillent plus de 8 heures par jour, près de 20% oeuvrant plus de 10 heures par jour. La moitié des journalistes travaillent les week-ends et les jours fériés. 46% estiment ne pas avoir assez de temps de récupération entre les périodes chargées.
  • Une accélération du rythme de travail. 81% des journalistes estiment travailler plus vite que cinq ans auparavant.
  • Une charge de travail plus lourde. Trois quarts des répondants considèrent leur charge de travail plus lourde. Les chercheurs expliquent cette tendance durable par un « effet ciseaux » (moins d’effectifs et des tâches plus nombreuses).
  • Des activités polyvalentes. 87% des travailleurs estiment leur travail polyvalent. Parmi eux, 58% attribuent cette polyvalence à la multiplication des supports.
  • Des lignes éditoriales floues. 41 % des répondants estiment que la ligne éditoriale de leur(s) média(s) existe mais est implicite et 27 % considèrent qu’elle n’existe pas. «Une situation qui ne comporte pas que des inconvénients. A court terme, le flou de la ligne permet à chacun de l’entendre comme il la veut. Mais dès que surviennent des périodes difficiles (rachat, réorganisation, fusion, plans sociaux) ce manque de clarté est très mal vécu et participe à un mal-être collectif grave.» Bien que la ligne éditoriale est jugée peu lisible, 70 % des travailleurs de la presse estiment être peu en accord avec.
  • Peu de débats. Plus de la moitié des répondants considèrent que les réunions de rédaction ne sont pas (ou plus) un lieu de débat.Capture d’écran 2015-10-09 à 16.58.57 Ils mentionnent plusieurs facteurs explicatifs : le management, le multimédia («Comme le bouclage ou l’heure du journal du soir n’est plus le seul repère temporel de la journée, la conférence de rédaction n’est plus le seul rendez-vous quotidien de débat. Ce qui va être produit sur le web se décide au fil de la journée, l’information en continu ne se débat plus une fois par jour.») 89% estiment avoir la liberté de proposer des sujets.
  • Un métier qui fait sens pour ceux qui l’exercent. Ils sont 80% à s’estimer satisfaits et 77% fiers du travail bien fait.

     

    Cette enquête aborde également la dégradation de l’ambiance au sein des rédactions, la confraternité entre travailleurs comme un élément stabilisateur de la profession, une passion du métier qui s’émousse, les cas de burn out, le stress, et, puis, la prévention des risques, l’impact durable du numérique. Pour plus d’informations concernant les autres éléments de l’étude,  cliquez ici.

    (Crédit illu: Technologia.fr)