Fédération européenne des journalistes

Le plus grand quotidien d’opposition hongrois suspendu


Le 12 octobre 2016, la Fédération européenne des journalistes (FEJ) a soumis l’alerte suivante à la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe :

Le 8 octobre 2016, l’éditeur Mediaworks Zrt. a suspendu, avec effet immédiat et sans préavis, la publication des versions imprimées et en ligne du plus grand quotidien d’opposition hongrois Népszabadság. Le PDG avait démissionné la veille et son remplaçant désigné par l’éditeur a annoncé la décision dans un communiqué évoquant des pertes financières “considérables” comme raison de la fermeture. L’éditeur a déclaré que Népszabadság avait perdu 100.000 lecteurs et subi 5 milliards de forints (16,7 millions d’euros) de perte au cours des 10 dernières années. Les journalistes de Népszabadság ont rapidement annoncé leur intention de «d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre de l’éditeur en raison de violations persistantes du droit», incluant l’absence d’invitation de leurs représentants à une réunion cruciale du conseil de surveillance. Les journalistes se sont vus refuser l’accès à leurs bureaux et ont été privés de leurs comptes de messagerie en ligne et de l’accès aux serveurs du journal après avoir reçu notification de la décision.

Mediaworks appartient depuis deux ans à Vienna Capital Partners. Vienna Capital a acquis Népszabadság, avec un tirage de 38.000 exemplaires au premier trimestre, en achetant des parts à Ringier AG en 2014 et à une fondation ayant des liens avec le parti socialiste d’opposition l’an dernier, enrichissant ainsi son portefeuille qui comprenait déjà la plus grande entreprise du pays, ainsi que des journaux sportifs rentables.

L’équipe éditoriale Népsabadság a dénoncé la fermeture perçue comme un moyen de faire taire la critique du gouvernement. Elle a souligné qu’elle était intervenue quelque jours après la publication d’articles concernant des allégations de corruption contre de proches alliés du premier ministre et un scandale impliquant le gouverneur de la banque centrale. Le Syndicat de la presse hongroise (HPU) a également dénoncé la fermeture soudaine et a déclaré que le pluralisme des médias, la liberté d’expression et les droits des travailleurs n’étaient pas respectés. Les organisations qui soumettent cette alerte estiment que la suspension péremptoire et opaque du journal risque d’infliger de graves dommages à la diversité des médias en Hongrie et est susceptible d’avoir un effet dissuasif sur la capacité d’exercer un journalisme indépendant et d’investigation.

Crédit photo : Attila Kisbenedek / AFP