Fédération européenne des journalistes

Espagne: un juge tente de censurer l’enquête #Footballleaks


Le juge madrilène Arturo Zamarriego a ordonné au quotidien espagnol “El Mundo” de ne pas publier, ce samedi, l’enquête internationale #Footballleaks sur l’évasion fiscale massive dans l’univers du football professionnel. La Fédération européenne des journalistes (FEJ) condamne fermement cet acte de censure indigne d’une démocratie. La FEJ salue l’attitude des journalistes du quotidien, qui ont refusé de se plier à l’injonction judiciaire.

Au terme de sept mois d’enquête et après avoir analysé 18,6 millions de documents, les journalistes de l’hebdomadaire allemand “Der Spiegel” et leurs confrères d’une dizaine de médias partenaires, au sein du consortium European Investigative Collaborations (“El Mundo”, “Expresso”, Falter, “L’Espresso”, “Le Soir”, Mediapart, “NewsWeek Serbia”, “NRC Handelsblad”, “Politiken”, RCIJ/TBS et “The Sunday Times”) ont révélé, samedi, le plus vaste scandale d’évasion fiscale dans le monde du football professionnel européen.

Le quotidien espagnol “El Mundo” a annoncé, ce samedi, que le juge madrilène Arturo Zamarriego lui avait interdit de publier les résultats de l’enquête journalistique #Footballleaks, allant même jusqu’à menacer le directeur du titre, Pedro G. Cuartango, d’une peine de cinq ans de prison. Les poursuites judiciaire ont été initiées par le cabinet d’avocats Senn Ferrero Asociados, connu pour avoir conseillé sur des matières fiscales plusieurs joueurs vedettes dont Cristiano Ronaldo. “El Mundo” a refusé de céder à la pression, introduisant un recours et publiant, comme prévu, le premier volet de l’enquête, ce samedi.

La décision du juge évoque, entre autres, le fait que les révélations du quotidien “supposent une atteinte au droit à l’intimité et à la vie privée des victimes”. Il avance la possibilité que ces données fiscales personnelles aient été acquises illicitement, ce que conteste le quotidien. Le juge a néanmoins ordonné “l’interdiction de la publication de données personnelles, financières ou fiscales (…) des clients du cabinet Senn Ferrero et qui seraient en possession du journal El Mundo”, dans l’attente des résultats d’une enquête judiciaire en cours sur le piratage informatique dont aurait été victime le cabinet d’avocats.

“Nous sommes ici face à un acte de censure indigne d’une démocratie, réagit le Secrétaire général de la FEJ, Ricardo Gutiérrez. Cette violation caractérisée de la liberté de la presse, garantie par la Constitution espagnole et par la Convention européenne des droits de l’homme, est un acte gravissime, qui exige une réaction ferme des autorités publiques espagnoles. Le juge Zamarriego criminalise tout simplement l’exercice de la liberté de la presse et il intimide les journalistes en les menaçant de peines de prison. C’est intolérable et indigne. Juridiquement, rien ne permet d’avancer que les données traitées par le consortium EIC ont été recueillies illégalement. Par ailleurs, le prétendu souci de protéger la vie privée de personnages publics ne prime en aucune façon sur le droit du citoyen à être informé sur un scandale de cette ampleur. L’intérêt public de ces révélations est évident. L’argumentation du juge est sans fondement”.

Cité par la Plateforme pour la Défense de la Liberté d’Informer (PDLI), l’expert international Joan Barata rappelle qu’en aucun cas de supposées irrégularités dans la fuite de documents ne peuvent justifier une restriction de la diffusion de ces éléments d’information par la presse. “Les standards et la jurisprudence internationaux sont très clairs en la matière. La décision du juge bafoue le caractère prioritaire et fondamental de la liberté d’expression; son raisonnement juridique s’attaque au pilier fondamental pour nos démocraties que constitue le journalisme d’investigation”.

Crédit Photo: EIC.