Le gouvernement espagnol menace de prendre le contrôle des médias publics catalans
Le secteur médias du syndicat FSC-CCOO et le Syndicat des Journalistes de Catalogne (SPC-FeSP) condamnent fermement la menace de prise de contrôle des médias publics régionaux catalans par le gouvernement central espagnol, suite aux mesures annoncées samedi par le Premier ministre Mariano Rajoy (Parti Populaire), avec l’appui des deux principaux partis d’opposition (Parti Socialiste et Ciudadanos). La Fédération européenne des Journalistes (FEJ) s’associe à ses affiliés FSC-CCOO et SPC-FeSP pour dénoncer cette inacceptable interférence politique dans la gestion des médias de service public.
Le Sénat espagnol devrait voter, ce vendredi, une série de mesures en application de l’article 155 de la Constitution espagnole, qui permet au gouvernement espagnol de prendre le contrôle des communautés autonomes si celles-ci manquent à leurs obligations ou si elles portent atteinte à l’intérêt général de l’Espagne.
Le gouvernement central se donnerait notamment le pouvoir de révoquer les dirigeants actuels de la Corporation Catalane des Médias Audiovisuels (CCMA), qui chapeaute les médias publics régionaux catalans (la chaîne de télévision TV3, la radio Catalunya Radio et l’Agence Catalane d’Information ACN). La mesure vise, d’après le gouvernement central, à garantir “une information véridique, objective et équilibrée, respectueuse du pluralisme politique, social et culturel, de même que de l’équilibre territorial”.
Le SPC dénonce cette “interférence politique” du gouvernement central, rappelant que seul le Parlement catalan est compétent pour nommer ou révoquer les membres du conseil de la CCMA.
CCOO pointe, pour sa part, l’incompatibilité des mesures annoncées par la gouvernement central avec l’article 20 de la Constitution espagnole, qui garantit le droit des citoyens espagnols à accéder à l’information. CCOO a dénoncé, par ailleurs, la présence d’agents de sécurité de l’Etat dans les locaux du siège catalan du radiodiffuseur national RTVE, à Sant Cugat.
La FEJ rappelle que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, a fermement dénoncé, le 2 mai dernier, les tentatives de certains gouvernements d’influencer l’indépendance et le pluralisme de la radiotélévision de service public, notamment en Pologne, en Ukraine, en Grèce, en Croatie et en Espagne. Il avait notamment cité l’exemple des nominations politiques à la tête des chaînes publiques espagnoles. Selon Nils Muižnieks, ces pratiques « montrent que les tentatives des gouvernements de faire des diffuseurs publics des médias gouvernementaux restent courantes ». Dans certaines circonstances, « il est encore nécessaire de transformer ces médias, qui restent étroitement liés au gouvernement et manquent de transparence vis-à-vis de la société, en vrais services publics jouissant d’une indépendance éditoriale et organisationnelle », concluait le Commissaire.
“Les services publics audiovisuels sont au service des citoyens, pas au service des gouvernements”, insiste encore le Secrétaire général de la FEJ, Ricardo Gutiérrez. “A l’instar de nos affiliés FSC-CCOO et SPC-FeSP, nous appellons la Generalitat de Catalogne et le gouvernement central espagnol à se garder de toute interférence dans la gestion éditoriale des médias publics. Il ne revient pas à l’Exécutif de nommer ni de révoquer les membres des organes de direction et de supervision des médias publics. Ces derniers doivent être élus par une majorité qualifiée du Parlement, selon une procédure transparente, qui tienne essentiellement compte des qualifications et des compétences professionnelles. Pas de l’affiliation politique des intéressés!”.
Crédit photo: Pau Barrena / AFP.