Fédération européenne des journalistes

France: les journalistes ont le droit de rendre compte du travail des forces de police

Crédit photo: Sebastien Salom-Gomis / AFP.

La commission des Lois de l’Assemblée nationale française poursuit ce 4 novembre l’examen de la proposition de loi relative à la « sécurité globale ». L’article 24 du texte interdit la diffusion publique d’images ou de vidéos de policiers ou de gendarmes en exercice. L’Assemblée générale annuelle de la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ), réunie en ligne, ce 3 novembre, a dénoncé cette violation de la liberté de la presse.

Initiée par six députés, dont Jean-Michel Fauvergue, ancien commissaire de police, cette proposition de loi a été engagée sous « procédure accélérée » le 26 octobre.

Ce mardi 3 novembre, sur proposition du SNJ-CGT, les délégués de 53 syndicats et associations de journalistes dans 38 pays d’Europe ont adopté la déclaration suivante, qui demande aux autorités française le retrait pur et simple de l’article 24 de la proposition de loi:

En France, le gouvernement veut interdire la diffusion d’images des fonctionnaires des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux, et pour cela il compte modifier la loi sur la liberté de la presse, de 1881.

Plusieurs députés de la majorité, dont l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, ont déposé en France une proposition de loi relative à la « sécurité globale », qui attire toute notre attention.

Dans des déclarations à la presse et dans une audition à l’Assemblée nationale, ce lundi 2 novembre, l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé que cette proposition de loi était réalisée en « parfaite collaboration avec le gouvernement » dans le but de « renforcer la police ». Le ministre a souligné qu’il avait promis « de ne plus pouvoir diffuser les images de policiers et gendarmes sur les réseaux sociaux ».

Cette proposition de loi prévoit notamment ceci :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »

Cette modification de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, va à l’encontre de toutes les dispositions prévues sur la liberté de la presse en Europe et menace d’empêcher les journalistes de faire tout simplement leur travail.

Le code sur la liberté de la presse pour la police, rédigé par le Centre européen de la liberté de la presse et des médias (ECPMF), et soutenu par la FEJ, affirme que :

« Dans le cas d’agressions policières ou de menaces contre des journalistes, la personne agressée échoue régulièrement à identifier les agresseurs car les forces de police s’abstiennent souvent de porter des plaques d’identité. Combiné avec le faible niveau de motivation de la part du personnel de police pour témoigner contre leurs propres collègues, le fait que la police dans de nombreux pays ne peut pas être identifiée entrave une enquête approfondie de tels incidents. Les autorités nationales doivent accepter le fait que les journalistes ont le droit de rendre compte et informer sur la conduite de la police. »

Par conséquent, la FEJ, réunie en Assemblée générale, demande au gouvernement et au parlement français:

  • de retirer ce projet de modification d’une des plus anciennes lois sur la liberté de la presse d’Europe ;
  • de prendre en compte l’impérieuse nécessité pour une démocratie digne de ce nom d’assurer que l’action de ses forces de l’ordre pour la sécurité de tous les citoyens, respecte les lois de la République, ainsi qu’il est tout aussi nécessaire de permettre à tous les journalistes d’exercer pleinement le droit d’informer, qui passe par l’observation et l’évaluation et de l’action de ces forces de l’ordre, afin d’éviter toute impunité.

Le droit des citoyens à être informés ne peut s’affranchir de la possibilité que les journalistes filment et diffusent l’action des forces de l’ordre.