Fédération européenne des journalistes

La FEJ invite les organisations de journalistes et organes de presse à soutenir la “Charte sur les conditions de travail”

Illustration : Dusan Petricic

La “Charte sur les conditions de travail des journalistes” de la FEJ a été signée le 12 février 2019 à Belgrade (Serbie), par 14 représentants d’organisations journalistes affiliées à la Fédération européenne des journalistes (FEJ) et par des syndicats de journalistes dans les Balkans et en Turquie.

Cette charte est ouverte à la signature de toutes organisations de journalistes, des médias privés ou publics et des autorités, qui souhaitent s’engager à améliorer les conditions de travail, et à renforcer les droits des journalistes et professionnels des médias en Europe, ainsi qu’à lutter contre la censure et à promouvoir le libre accès à l’information et aux sources.

La Charte compte 10 articles qui condensent les grands principes régissant la relation de travail entre les journalistes, leurs employeurs, et l’opinion publique bénéficiaire final de leurs productions. Elle formule également les principales valeurs que les autorités nationales et européennes devraient respecter lorsqu’elles traitent avec des journalistes.

L’idée de la Charte a été lancée en 2018 dans le cadre du projet “Établir la confiance des médias dans le Sud Est de l’Europe et la Turquie” financé par l’UNESCO et l’Union européenne. Ce projet a pour objectif de renforcer la liberté d’expression, l’accès à l’information, d’assurer l’indépendance et la pluralité des médias, et d’affirmer le rôle clé des journalistes et médias dans le développement démocratique, durable et pacifique de la région.

La Charte sera remise à la Commission européenne et au Conseil de l’Europe, en vue de devenir une référence en matière de conditions de travail des journalistes lors des évaluations de la situation de la liberté de la presse des pays membres et candidats. Par ailleurs, elle vise à accroitre la confiance entre les journalistes professionnels et l’opinion publique à travers l’Europe.

La Charte sur les conditions de travail des journalistes

Article 1

Liberté d’association. Les journalistes et travailleurs des médias ont le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association avec d’autres, y compris le droit de former et d’adhérer à des syndicats ou des associations professionnelles et ce, pour la protection de leurs intérêts (comme le prévoit l’article 11 de la CEDH). La signature de la présente charte suppose la reconnaissance du droit d’exercer la liberté d’association et l’adoption de mesures conformément aux obligations légales de l’organisation signataire. Les journalistes ont le droit de s’organiser au sein de structures représentatives, telles que des commissions de travailleurs et les conseils de rédaction, et de discuter de questions rédactionnelles et de travail avec la direction de l’entreprise, d’avoir accès aux documents et aux informations utiles pour promouvoir les conditions de travail dans les salles de rédaction.

Article 2

Droit à un contrat écrit. Les journalistes et travailleurs des médias ont le droit d’obtenir un contrat écrit se référant aux normes fixées par l’Organisation internationale du travail et qui prévoit spécifiquement :
– la qualité en laquelle le ou la journaliste est employé.e par le média
– la rémunération, le mode de calcul et la périodicité des paiements
– la durée normale du travail et les périodes de repos journalier et hebdomadaire
– la durée des congés annuels payés- la garantie des droits d’auteur, la nourriture et le logement, le cas échéant
– les conditions de résiliation du contrat de travail, y compris le préavis donné par le travailleur ou l’employeur
– les prestations de santé, de sécurité et de protection sociale à fournir aux journalistes.
Les journalistes ont le droit d’être traités comme des partenaires équitables lors de la négociation des conditions générales avec les employeurs.

Article 3

Droit à la négociation collective. Les journalistes et travailleurs des médias ont le droit de négocier librement avec leurs employeurs. L’exercice de ce droit est un élément essentiel de la liberté d’association. La négociation collective est un processus volontaire de discussion et de négociation de leurs relations, en particulier des conditions générales de travail.

Article 4

Non-discrimination dans l’emploi. Les journalistes et travailleurs des médias ne peuvent être soumis sur leur lieu de travail à une discrimination fondée sur le sexe, la religion, l’origine, la race, la couleur ou l’orientation sexuelle. Les journalistes, les employeurs et les syndicats doivent être particulièrement sensibles à la discrimination ou au harcèlement potentiel des personnes en raison de leur affiliation, de leurs traits et vêtements physiques ou culturels, de leur perception ou de leur association. Conformément au principe «à travail égal, salaire égal», les personnes travaillant sur le même lieu de travail doivent recevoir un salaire égal (paiements et avantages, y compris le salaire de base, les paiements non salariaux, les primes et les allocations). Les membres d’un syndicat ne peuvent faire l’objet d’une discrimination en raison de leur militantisme. Les actions positives (aussi appelées « discrimination positive ») peuvent être utilisées pour promouvoir l’éducation et l’emploi des membres de groupes dont on sait qu’ils ont déjà été victimes de discrimination.

Article 5

Droit au repos et à la déconnexion. Les journalistes et travailleurs des médias ont droit au repos et aux loisirs, y compris à une limitation raisonnable des heures de travail et à des congés payés périodiques. Les journalistes ont le droit de se déconnecter de leurs engagements professionnels (courriels, internet, médias sociaux…) après leur temps de travail contractuel.

Article 6

Droit à la protection des sources journalistique. Les journalistes et travailleurs des médias ne peuvent être contraints de révéler l’identité d’une source anonyme, sauf en cas de libération de cette obligation par un règlement spécial ou une déclaration de la personne qui est dépositaire du secret qu’elle a gardé. Ce droit s’étend à la protection de la relation de travail avec un lanceur d’alerte, la protection de données ou de tout document qui mettrait en danger la personne travaillant avec un ou une journaliste pour révéler un acte répréhensible. Les journalistes ont le devoir de protéger leurs sources et ne peuvent les révéler que s’il est prouvé que les sources ont menti ou manipulé.

Article 7

Droit de refuser de signer un contenu. Les journalistes et travailleurs des médias ont le droit de refuser l’ordre de la rédaction de signer un contenu lorsque des changements substantiels sont intervenus sans l’approbation de l’auteur. Les journalistes ne peuvent être tenus responsables devant un tribunal lorsque le contenu de leur production a été modifié de manière substantielle par leur employeur. Ils ne peuvent pas être licenciés, être mis à pied, ou autres situations, lorsqu’ils font usage de ce droit.

Article 8

Sécurité et protection. Les journalistes et travailleurs des médias ont le droit à être formé et sensibilisé au reportage dans des zones hostiles ou dangereuses, et aux problématiques propres au personnel féminin. Ce droit prévoit le suivi d’une formation aux premiers secours couverte par l’employeur et l’adoption de mesures pour surveiller et combattre les abus en ligne et signaler les formes de violence, de menaces et de harcèlement au travail, notamment le harcèlement sexuel. Les journalistes ont le droit de ne pas être contraints d’exprimer ou d’approuver des opinions ou d’exercer des fonctions professionnelles contraires à leur conscience, et ne peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires en raison de ce refus. En cas de modification profonde de la ligne directrice ou de la nature de l’organe de presse, les journalistes ont également le droit de mettre fin à la relation de travail pour un motif valable, en préservant leur droit à l’indemnisation prévue dans la législation du travail applicable.

Article 9

Bonne gouvernance et normes éthiques. Les journalistes et travailleurs des médias s’engagent à respecter la déclaration de mission de l’entreprise ; à suivre les codes de conduite et les normes éthiques s’appliquant aux journalistes, à l’ensemble du personnel et aux sections éditoriales ; à accepter les règles de gouvernance (transparence, protection de l’indépendance éditoriale) ; à s’engager auprès des régulateurs externes (conseil de presse, etc.) et à promouvoir l’intégrité par la coopération entre collègues.

Article 10

Conditions de travail décentes. Les journalistes et travailleurs des médias ont le droit d’exiger des conditions de travail décentes pour remplir leurs obligations professionnelles. Ces conditions font partie des obligations légales de l’employeur qui doit toutes les mettre en œuvre vis-à-vis de ses salariés.

La Charte est également disponible en anglais et en serbe.


Signataires :

  • Organisations journalistes
  1. Association professionnelle des journalistes d’Albanie (APJA, Albanie)
  2. Association des Journalistes Allemands (Allemagne)
  3. Dju.in verdi (Allemagne)
  4. Association Belge des Journalistes professionnels (AVBB / AGJB, Belgique)
  5. BH Journalistes (Bosnie Herzégovine)
  6. Association des Journalistes Bulgare (UBJ, Bulgarie)
  7. Association des journalistes Croates (HND, Croatie)
  8. Syndicat des Journalistes Croates (TUCJ, Croatie)
  9. FSC-CC.OO (Espagne)
  10. Syndicat national des Journalistes CGT (SNJ-CGT, France)
  11. Association des Journalistes du Kosovo (AGK, Kosovo)
  12. Onlimit Media (ONG, Macédoine du Nord)
  13. Syndicat des Journalistes Macédoniens et des professionnels des médias (SSNM, Macédoine du Nord)
  14. Association des journalistes Macédoniens (ZNM, Macédoine du Nord)
  15. Syndicat des Médias du Monténégro (SMCG, Monténégro)
  16. SinJor (Portugal)
  17. SINOS (Serbie)
  18. Association des journalistes indépendants (NUNS, Serbie)
  19. Association des Journalistes Serbe (UNS, Serbie)
  20. Impressum (Suisse)
  21. Turkiye Gazeteciler Sendikasi (TGS, Turquie)
  • Organe de presse
  1. Vidi Vaka (Macédoine du Nord)
  • Conseil de presse et médias
  1. Conseil d’éthique des médias de Macédoine (SEMM, Macédoine du Nord)